Comment une preuve illicite, devient recevable en justice…
Selon l’article L. 1121-1 du Code du travail, aucune restriction ne peut être imposée aux droits des individus, qu’il s’agisse de libertés individuelles ou collectives, à moins qu’elle ne soit justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée à l’objectif recherché.
Cependant, dans le prolongement de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 22 décembre 2023, relatif aux enregistrements clandestins, la Cour de cassation confirme qu’une clé USB personnelle d’un salarié, non connectée à son poste professionnel et en dehors de sa présence, peut constituer un moyen de preuve recevable.
La salariée concernée avait été licenciée pour faute grave. Dans la lettre de licenciement, l’employeur lui reprochait d’avoir copié et récupéré sur des clefs USB des informations sensibles et stratégiques de l’entreprise. Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes, arguant que celui-ci reposait sur une preuve illicite. Selon elle, l’employeur aurait subtilisé ses clefs USB avant d’en analyser le contenu sans qu’elle en soit informée ou présente.
Le point de vue de la Cour d’Appel
La cour d’appel, confrontée à un dilemme entre le droit à la preuve et le droit à la vie privée, a tranché en faveur de l’employeur. Elle a jugé que les cinq clefs USB trouvées dans le bureau de la salariée n’étaient pas clairement identifiables comme personnelles. Ces clefs étaient simplement posées sur le bureau, un espace auquel l’employeur avait accès, même en l’absence de la salariée.
Le point de vue de la Cour de Cassation
La salariée s’est pourvue en cassation, mais la Cour de cassation a confirmé le jugement de la cour d’appel. Tout en reconnaissant que l’accès aux fichiers des clefs USB personnelles en l’absence du salarié porte atteinte à la vie privée, les juges rappellent que dans le cadre d’un procès civil, une preuve obtenue de manière illicite ou déloyale n’est pas nécessairement exclue des débats. Le juge doit veiller à ce que cette preuve soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte à la vie privée soit proportionnée au but visé.
Les magistrats ont relevé que l’employeur avait prouvé l’existence de motifs concrets justifiant le contrôle des clefs USB, notamment grâce à des témoignages d’autres salariés affirmant avoir vu la salariée imprimer de nombreux documents sur le poste d’un collègue absent. De plus, le tri des fichiers présents sur les clefs USB avait été réalisé sous le contrôle d’un huissier, garantissant qu’aucun fichier personnel n’avait été ouvert. Enfin, les fichiers à caractère personnel avaient été supprimés avant la transmission des données à l’employeur. En conséquence, l’atteinte à la vie privée de la salariée était jugée proportionnée à l’objectif recherché.
Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme sa doctrine sur la recevabilité des preuves illicites, en insistant sur la nécessité de respecter un équilibre entre le droit à la preuve et la protection des libertés individuelles.
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 25 septembre 2024, 23-13.992, Publié au bulletin
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